EDGAR MORIN
Accueil

2023

EDGAR MORIN
Encore un moment...

"Et le plus étonnant est que l’on s’étonne si peu de vivre. "

"Je regrette de ne pas pouvoir savoir ce qui va sortir de la conjonction des énormes crises que subit aujourd'hui l'humanité.Je regrette qu’il puisse me manquer une année ou deux pour percevoir ce qui se dessine, se détruit, prend forme. Je crains qu’advienne une longue période régressive, tout en sachant que l’improbable peut tout modifier, en mieux comme en pire.
Je vais partir en plein suspense historique. "

"En même temps que la curiosité et la passion pour mon travail, c’est l’amour et l’amitié qui m’ont fait vivre. C’est la recherche de la qualité poétique de la vie ainsi que la révolte contre ses cruautés qui m’ont entretenu tel que je suis.

" La littérature a cette vertu d’être à la fois moyen de connaissance et fin émotionnelle esthétique.
Du reste, Antonio Damasio a montré que l’émotion est inséparable d’une activité rationnelle de l’esprit. Mieux : elle contribue à transmettre une connaissance. Eisenstein disait en parlant de ses films qu’il voulait que des images donnent des sentiments, lesquels suscitent des idées.
La poésie nous donne une émotion propre qui exalte nos êtres. Or cette capacité à donner une émotion poétique imbibe la musique, la littérature, la peinture, tous les arts. Cette émotion esthétique fait partie de la qualité poétique de la vie qui nous aide à résister à la domination du calcul prosaïque et de l’intérêt égoïste dans la vie quotidienne, en nous donnant ferveur, intensité, communion. "


 

EDGAR MORIN
Leçons d'un siècle de vie

"En 1972, un événement d’importance planétaire ne fut perçu dans son ampleur que par une minorité dispersée d’esprits : la publication du rapport du professeur Meadows, du Massachusetts Institute of Technology, révélant le processus de dégradation de la biosphère au déferlement techno-économique, lui-même dû à une soif inextinguible de profit. Cette dégradation n’affectait pas seulement la biodiversité végétale et animale, mais l’humanité entière, à travers la pollution des rivières, des océans, des villes, des sols livrés à l’agriculture industrielle, de l’alimentation issue de cette agriculture, des animaux parqués massivement et artificiellement nourris. Pour contrer cette irrésistible dégradation de la biosphère, il fallait que chaque nation se tourne non seulement vers une politique nouvelle, mais aussi vers une entente internationale."

2021


2017

EDGAR MORIN
L'île de Luna

"Ma-man..."
Ce n'était pas possible qu'elle ne puisse entendre. Ce n'était pas possible que toutes les caresses, toutes les larmes qu' il versait pour elle, elle ne puisse jamais les reconnaître. Ce n'était pas possible que ses paroles à lui ne puissent traverser les airs, les éthers, l'enveloppe du ciel, jusqu'aux profondeurs de 1' île. Ce n' était pas possible que les cyprès ne remuent doucement au souffle de l'appel, qu'une douce vague ne vienne clapoter avec l'appel sur la rive..."


Arnold Böcklin, L'Île des morts, 1880 Metropolitan Museum of Art, New York


2017

EDGAR MORIN
Connaissance, ignorance, mystère

« Je vis de plus en plus avec la conscience et le sentiment de la présence de l’inconnu dans le connu, de l’énigme dans le banal, du mystère en toute chose et, notamment, des avancées d’une nouvelle ignorance dans chaque avancée de la connaissance » 


EDGAR MORIN
Penser global
L'humain et son univers

"On a défini l’individu humain comme Homo sapiens, c’est-à-dire home doté de raison. Et il est incontestable que la rationalité s’est développée au cours de l’histoire humaine. Mais Homo sapiens n’est qu’un pôle, et l’autre pôle, c’est l’Homo demens, l’homme délirant.
Le délire, la folie, ce n’est pas seulement le cas extrême de ces malheureux qu’on met dans des asiles. Le délire, la folie, surgissent à chaque fureur, à chaque colère, à chaque mégalomanie, dans ce que les anciens Grecs appelaient l’hybris : la démesure, l’ambition immodérée des conquérants, comme Gengis Khan, Napoléon, Hitler et d’autres. Entre les deux polarités de sapiens et de demens, il y a l’affectivité, le sentiment. Une découverte importante, faite à partir d’imagerie cérébrale aussi bien par Antonio Damasio que par Jean-Didier Vincent, a montré que, quand il y avait un centre rationnel en activité, il mettait simultanément en action un centre de l’émotivité. C’est dire qu’il n’y a pas de raison sans émotion. … Entre le pôle de la raison et le pôle du délire et de la folie, c’est évidemment l’affectivité qui circule. En fonction de son intensité, elle mène à l’un de ces pôles. Si l’affectivité est exacerbée et n’est pas contrôlée par la rationalité, nous sommes dans le délire."

2015


2011

EDGAR MORIN
La Voie

pour l'avenir de l'humanité

"Si j’essaie de remonter aux sources subjectives de ce livre, La Voie, je trouve, dans mes années d’enfance, à partir de la lecture de La Case de l’oncle Tom, des romans de Gustave Aimard et de Fenimore Cooper, un irrépressible sentiment de compassion pour les Noirs esclavagisés et les peuples subjugués, asservis, méprisés des Amériques. Adolescent, j’ai ressenti une compassion semblable pour la misère humaine, pas seulement la détresse matérielle que me donnait à voir par exemple le film de Pabst L’Opéra de quat’ sous, mais aussi la misère intérieure qui vient de l’humiliation et de la solitude, que m’a révélée quand j’avais quinze ans Dostoïevski. "

" Ainsi, la perte d’un futur assuré, jointe à la précarité et aux angoisses du présent, engendrent des reflux vers le passé, c’est-à-dire vers les racines culturelles, ethniques, religieuses et nationales. "

"Or la pensée politique en est au degré zéro. Elle ignore les travaux sur le devenir des sociétés et sur le devenir du monde. « La marche du monde a cessé d’être pensée par la classe politique », dit l’économiste Jean-Luc Gréau. La classe politique se satisfait des rapports d’experts, des statistiques et des sondages. Elle n’a plus de pensée. Elle n’a plus de culture. "

"Notre mode de connaissance a sous-développé l’aptitude à contextualiser l’information et à l’intégrer dans un ensemble qui lui donne sens. Submergés par la surabondance des informations, nous pouvons de plus en plus difficilement les contextualiser, les organiser, les comprendre. Le morcellement et la compartimentation de la connaissance en disciplines non communicantes rendent inapte à percevoir et concevoir les problèmes fondamentaux et globaux. L’hyper-spécialisation brise le tissu complexe du réel, le primat du quantifiable occulte les réalités affectives des êtres humains. "


2007

Edgar Morin
Vers l'abîme?

La pensée en pièces détachées
"La pensée qui compartimente, découpe, isole, permet aux spécialistes et experts d'être très performants dans leurs compartiments, et de coopérer efficacement dans des secteurs de connaissance non complexes, notamment ceux concernant le fonctionnement des machines artificielles; mais la logique à laquelle ils obéissent, étend sur la société et les relations humaines les contraintes et les mécanismes inhumains de la machine artificielle et leur vision déterministe, mécaniste, quantitative, formaliste ignore, occulte ou dissout tout ce qui est subjectif, affectif, libre, créateur. De plus, les esprits parcellarisés et techno-bureaucratisés sont aveugles aux inter-rétro-actions et à la causalité en boucle et ils considèrent encore souvent les phénomènes selon la causalité linéaire; ils perçoivent les réalités vivantes et sociales selon la conception mécaniste/ déterministe, valable seulement pour les machines artificielles. Plus largement et profondément, il y a incapacité de l'esprit techno-bureaucratique de percevoir aussi bien que de concevoir le global et le fondamental, la complexité des problèmes humains."



:

2006

EDGAR MORIN
Itinérance

"La prose, ce sont les nécessités, les obligations auxquelles nous devons faire face et qui, évidemment, ne nous intéressent guère, mais qu'il faut effectuer pour survivre. La poésie, en revanche, c'est la vraie vie, c'est-à-dire tout ce qui nous apporte intensité, émotion, jouissance. C'est la fête, c'est la danse, c'est l'amour. C'est d'assister à la finale de la coupe du monde de football. Il y a mille formes de poésie. Certaines personnes trouvent de la poésie dans leur métier, comme l'écrivain, le chercheur, le découvreur. L'épanouissement de l'être humain, est dans la vie poétique, pas dans la vie prosaïque. Or il y a invasion de prose dans notre monde contemporain et, pour ne pas être asphyxiés, nous cherchons l'antidote poétique, notamment les adolescents avec leurs fêtes, leurs raves, leurs jeux, leurs amours, etc. Je propose donc, dans L'Humanité de l'Humanité, une anthropologie ni abstraite, ni mutilée, ni unilatérale, et qui, bien sûr, conçoit la relation au masculin-féminin. Lévi-Strauss disait que le but de l'anthropologie était non de révéler l'homme, mais de le dissoudre. Je pense le contraire. "


2005

EDGAR MORIN
Culture et barbarie européennes

"L'Europe a été le foyer d'une domination barbare sur le monde durant cinq siècles. Elle a été en même temps le foyer des idées émancipatrices qui ont sapé cette domination. Il faut comprendre la relation complexe, antagoniste et complémentaire, entre culture et barbarie, pour savoir mieux résister à la barbarie.
Les tragiques expériences du XXe siècle doivent aboutir à une nouvelle conscience humaniste. Ce qui est important, ce n'est pas la repentance, c'est la reconnaissance. Cette reconnaissance doit concerner toutes les victimes: Juifs, Noirs, Tziganes, homosexuels, Arméniens, colonisés d'Algérie ou de Madagascar. Elle est nécessaire si l'on veut surmonter la barbarie européenne.
Il faut être capable de penser la barbarie européenne pour la dépasser, car le pire est toujours possible. Au milieu du désert menaçant de la barbarie, nous sommes pour le moment sous la protection relative d'une oasis. Mais nous savons aussi que nous sommes dans des conditions historico-politico-sociales qui rendent le pire envisageable, particulièrement lors des périodes paroxystiques.
La barbarie nous menace, y compris derrière les stratégies qui sont censées s'y opposer."


2003

LA VIOLENCE DU MONDE
Jean Baudrillard. Edgar Morin

"Ce qu'il faut, c'est déplacer la lutte dans la sphère symbolique, où la règle est celle du défi, de la réversion, de la surenchère. Telle qu'à la mort, il ne puisse être répondu que par une mort égale ou supérieure. Défier le système par un don auquel il ne peut pas répondre, sinon par sa propre mort et son propre effondrement. L'hypothèse terrorriste, c'est que le système lui-même se suicide en réponse au défi multiple de la mort et du suicide. car ni le système, ni le pouvoir n'échappent à l'obligation symbolique : celle de répondre sous peine de perdre la face." Baudrillard


2000

BORIS CYRULNIK
EDGAR MORIN

Dialogue sur la nature humaine

- Edgar Morin: "Je suis persuadé que l'on doit vivre avec l'incertitude. La vie est une navigation sur un océan d'incertitude, à travers des archipels de certitude. Nous sommes dans une aventure collective inconnue, mais chacun vit son aventure. Chacun est certain de sa mort, mais nul n'en connaît la date ou les circonstances. Bien entendu, on risque alors d'être submergé par l'angoisse. A mon sens, la riposte à l'angoisse est la communion, la communauté, l'amour, la participation, la poésie, le jeu...toutes ces valeurs qui font le tissu même de la vie. La question est celle-ci : pensez-vous que nous sommes à une époque historique où l'humanité peut enfin assumer son destin - c'est-à-dire son destin de vivre une aventure inconnue -, ou bien avons-nous toujours besoin de mythes consolateurs et d'illusions formidables pour tenir?"


1968

EDGAR MORIN
CLAUDE LEFORT
CORNELIUS CASTORIADIS
Mai 68 La Brèche
suivi de Vingt ans après

"La dissolution des mouvements des années 60 a sonné le début de la nouvelle phase de régression de la vie politique dans les sociétés occidentales, à laquelle nous assistons depuis une quinzaine d'années. Cette régression va de pair avec (est presque synonyme de) un nouveau round de bureaucratisation-privatisation-médiatisation, en même temps que, dans un vocabulaire plus traditionnel, avec un retour en force des tendances politiques autoritaires dans le régime libéral-oligarchique. On a le droit de penser que ces phénomènes sont provisoires ou permanents, qu'ils traduisent un moment particulier de l'évolution de la société moderne ou sont l'expression conjoncturelle de traits insurmontables de la société humaine. Ce qui n'est pas permis, c'est d'oublier que c'est grâce à et moyennant ce type de mobilisation collective représenté par les mouvements des années 60 que l'histoire occidentale est ce qu'elle est et que les sociétés occidentales se trouvent avoir sédimenté les institutions et les caractéristiques qui les rendent tant bien que mal viables et en feront, peut-être, le point de départ et le tremplin d'autre chose." C. Castoriadis (1986)